Dans le cadre de la permanence « Agir Handicap » que le Cabinet réalise auprès de l’Association Droit Pluriel (et dont l’objet est d’apporter des éléments d’information juridique aux personnes en situation de handicap), certaines questions reviennent de manière régulière.
Le régime de retraite anticipée pour les personnes en situation de handicap fait justement partie de ces thèmes. Quelques éclairages quant à ce régime complexe :
I - Quel est l’objet du régime ?
Ce régime permet de prendre en compte la pénibilité du travail causée par le handicap de la personne.
À cet effet, il permet de partir à la retraite à 55 ans au plus tôt (pour les personnes nées à partir de 1967) et, en toute hypothèse, avant l’âge de 62 ans (à la date de la rédaction de cet article.)
La retraite ainsi accordée est calculée au taux plein (il ne s’agit pas pour autant nécessairement d’une pension de retraite pleine - voir ci-après).
Les conditions pour bénéficier de ce régime sont néanmoins strictes :
La personne doit démontrer avoir acquis un nombre minimum de trimestres d’assurance retraite ainsi qu’un nombre minimum de trimestres cotisés.
La personne doit justifier que, pendant les périodes précitées, elle était soumise à un handicap.
II - Quelles sont les conditions liées au handicap ?
En application de l’article D.351-1-6 du Code de la Sécurité Sociale, l’assuré doit justifier d’une situation de handicap qui correspond :
Soit à un taux d’incapacité permanente d’au moins 50% ;
Soit à un handicap de niveau comparable au taux d’incapacité de 50% ;
Soit de la qualité de travailleur handicapé (uniquement pour certaines périodes particulières, ce point sera précisé ci-après.)
Un arrêté du 24 juillet 2015 a défini les justificatifs permettant de démontrer le handicap ainsi que le taux de celui-ci (il s’agit par exemple de la décision d’attribution de l’AAH, d’une pension d’invalidité de catégorie 2 ou 3, etc.)
S’agissant de la qualité de travailleur handicapé, la situation est particulière dans la mesure où sa prise à compte a fortement évolué au fil des réformes législatives.
De façon schématique, il est possible de se prévaloir de la qualité de travailleur handicapé pour les périodes antérieures au 1er janvier 2016.
Par exemple, pour un assuré qui bénéficie d’une RQTH pour la période du 1er janvier 1955 au 31 décembre 2018, seule la période antérieure au 31 décembre 2015 pourra être prise en compte.
III - Quelles sont les conditions de durée d’assurance et de durée cotisée ?
Les durées exigées sont définies au regard de la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein dans le régime général (attention, cela signifie que si la durée d’assurance nécessaire au regard du régime classique de retraite augmente, la durée exigée augmentera également dans ce régime de retraite anticipée).
Pour une personne née en 1968 qui souhaiterait liquider sa retraite dans ce régime à partir de l’année 2023, la situation serait schématiquement la suivante :
Pour les années précédentes, les durées requises sont légèrement plus faibles tandis que, pour les années suivantes, les durées augmentent progressivement.
Pour mémoire, la différence entre la durée d’assurance et la durée d’assurance cotisée est la suivante :
La durée d’assurance cotisée s’entend de la durée totale des périodes d’activité ayant donné lieu au versement de cotisations vieillesse.
La durée d’assurance comprend la durée d’assurance cotisée, mais également des périodes sans activité (congé parental, bonifications pour enfants, etc.)
Bénéficier de telles durées d’assurance ou de cotisation n’est pas suffisant puisque, au-delà, il existe une condition de concomitance entre ces durées et la situation de handicap.
IV - Que signifie la condition de concomitance ?
Pour pouvoir entrer dans le dispositif de retraite anticipée, il est nécessaire qu’il y ait une concomitance entre la situation de handicap reconnue par ailleurs et les durées d’assurance acquises.
En d’autres termes, il est nécessaire d’avoir rempli les conditions d’assurance pendant une période où le handicap était reconnu comme tel.
Ainsi, un handicap survenu tardivement dans la carrière professionnelle écarte d’office la personne de ce régime dans la mesure où elle sera dans l’impossibilité d’obtenir les trimestres requis.
Si vous ne répondez pas à cette condition fondamentale, un autre régime peut s'appliquer: il s'agit de la retraite pour inaptitude à l'emploi à compter de 62 ans. Son avantage principale est de pouvoir bénéficier d'une liquidation au taux plein. Ce régime fera l'objet d'un futur billet sur ce blog.
V - Le montant de la retraite est-il avantageux ?
Contrairement aux idées reçues, le salaire annuel moyen et le taux de liquidation ne sont pas les seuls éléments pris en compte dans le cadre du calcul de la pension de retraite.
La formule de calcul est la suivante :
Salaire annuel moyen x taux de liquidation x (durée d’assurance acquise / durée d’assurance requise)
Dans le cadre de ce régime anticipé, le taux de liquidation est plein, soit à hauteur de 50%.
En revanche, la durée d’assurance requise est rarement atteinte lorsque la personne se trouve en situation de handicap et que, en conséquence, sa carrière professionnelle n’est pas continue.
Néanmoins, dans le cadre de ce régime et dans l’hypothèse où le nombre de trimestres acquis est insuffisant, il est possible de bénéficier d’une majoration de retraite permettant de compenser cette problématique.
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Le régime de la retraite anticipée pour personne en situation de handicap est, malheureusement, un régime complexe. Ce billet permettra, je l’espère, de répondre à certaines interrogations récurrentes.
Attention, la réforme de la retraite envisagée en 2023 pourrait impacter ce régime, notamment s’agissant des durées d’assurance requises dès lors que celles-ci sont calculées au regard du régime général.
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